Quelle belle découverte que cette auteure sélectionnée dans les nouveautés par ma médiathèque !
Une écrivaine que je ne connaissais pas encore mais qui a déjà bouleversé 4 millions de lecteurs !
"Se le dire enfin" est son 7eme ouvrage !
Agnès Ledig est une délicieuse rencontre littéraire qui m'a fait voyagée dans son univers positif, qui pourrait être le mien, où il faut suivre les signes du destin, où l'heure du changement de vie peut sonner à tout âge !
"Se le dire enfin" se révèle une quête criante de vérité, joliment ficelée, où les mots dansent, où le caractère des personnages s'épaissit au fil des pages, où les rebondissements s'enchevêtrent avec grâce, où le dénouement se veut épanouissant... même si on aurait bien passé encore quelques moments dans l'intimité des protagonistes !
Dès les premières pages, j'ai été aspirée par l'intrigue ! Il faut dire qu'il y a de quoi ! Imaginez un couple, qui de retour de vacances en Bretagne, prend un dernier verre devant la gare de Vannes, lorsque il prend à Édouard, le mari, l'idée soudaine de venir en aide à une vieille dame lourdement chargée. Quelques minutes plus tard, Armelle, son épouse le voit assis dans le car en partance pour Rennes, à côté de la vieille dame au chapeau.
Ce car va le conduire dans la mythique forêt de Brocéliande, où, dans la chaleur humaine de la simplicité et de la nature, il va remettre en cause une vie qui ne lui convenait plus, entre routine, désamour et démotivation. "Que veux-tu ? Avec qui ? Pourquoi ? Comment ? Pose-toi ces questions mille fois et agis. Tu as plus de printemps derrière toi que devant. Il est temps. Le passé est révolu. Le présent est ici. Tu y joues un rôle, ton rôle. L'avenir s'imposera."
A l'image d'Edouard, les personnages sont tous attachants : Gaëlle et son fils Gauvain (muet) qui tiennent la maison d'hôtes où hébergent la romancière anglaise (la vieille dame du bus), le responsable EDF (Edouard), Adèle, la cavalière rebelle, Elise, l'amoureuse de jeunesse d'Edouard, le chat Platon, qui ne perd rien des allées et venues de chacun ! Un peu plus loin vit Raymond, le vieux sage qui a aussi traversé bien des épreuves et dont la philosophie de vie est source d'encouragement pour tous ces cabossés de la vie que je viens d'énumérer. En effet, chaque protagoniste porte une histoire traumatique...
Aux multiples facettes des personnages dépeintes avec brillance, Agnès Ledig ajoute la magie du lieu : la forêt de Brocéliande où vit tout ce petit monde : " Forêts, dans vos abris gardez mes voeux offerts ! "
Résumé : De retour de vacances, sur le parvis d’une gare, Édouard laisse derrière lui sa femme et sa valise. Un départ sans préméditation. Une vieille romancière anglaise en est le déclic, la forêt de Brocéliande le refuge.
Là, dans une chambre d’hôtes environnée d’arbres centenaires, encore hagard de son geste insensé, il va rencontrer Gaëlle la douce, son fils Gauvain, enfermé dans le silence d’un terrible secret, Raymond et ses mots anciens, Adèle, jeune femme aussi mystérieuse qu’une légende. Et Platon, un chat philosophe.
Qui sont ces êtres curieux et attachants ? Et lui, qui est-il vraiment ? S'il cherche dans cette nature puissante les raisons de son départ, il va surtout y retrouver sa raison d’être.
Mon avis : Vous l'aurez compris, c'est un coup de coeur !
Se laisser porter par la vie * Apprivoiser la nature et l'homme * Prendre son chemin *
C’est un livre qui fait du bien, avec des personnages authentiques, forts, simples, sans artifice, que l’on souhaiterait rencontrer un jour sur notre route, avec en toile de fond une nature et plus spécialement la forêt, ressourçante et qui donnera envie au lecteur de poser aussi ses pieds nus sur cette mousse verte si vivante et revigorante. Un retour aux choses simples de la vie, une vraie bouffée d’oxygène, sur le terrain du « lâcher prise », d’accepter d’être soi, quitte à tout plaquer, quitte à faire mal, quitte à se tromper.
Je vous laisse avec l'incipit (le début de roman) si vous aussi vous voulez plonger dans ce roman ou plutôt dans cette bouffée d'oxygène !
Incipit :
Prologue
Platon s’approcha de l’arbre à pas de loup, grimpa le long du tronc couvert d’une mousse épaisse, ses griffes largement déployées pour atteindre l’écorce et s’y agripper. Deux énormes branches jumelles – qui, à deux mètres du sol, partaient à l’opposé l’une de l’autre – offraient à son corps gracile une zone plane et confortable. Il s’allongea et ferma les yeux. Le chat pouvait rester ainsi des heures sans bouger. À l’affût du moindre bruit, en sécurité, perché là-haut au bord d’une clairière calme.
Le temps s’écoulait, rythmé par l’agitation alentour et les nombreux chants d’oiseaux.
Le bruissement des feuilles répondait au murmure imperceptible des graminées qui dansaient dans le vent.
L’animal, enveloppé de verdure, se laissait bercer par le concert que la nature lui jouait, riche de milliers de solistes.
Platon ne céderait jamais sa place car il sentait qu’elle était sienne. Rien ne pouvait s’opposer à cette douce vérité.
Après sa sieste, il pandicula avec soin puis s’éloigna comme il était venu, vers sa maison de Doux Chemin, intrigué par cette sensation éprouvée durant son sommeil. Il se retourna juste avant de bifurquer vers le sentier qui menait au hameau, pour regarder le tilleul une dernière fois.
Rien ne serait plus comme avant.
Quai numéro 1
Édouard raccrocha, un sourire satisfait sur les lèvres.
Il observait sa femme apporter quelques corrections à son maquillage à l’aide de son miroir de poche. Longs cils, grands yeux noisette, pommettes hautes, lèvres pulpeuses, chevelure soyeuse. Son épouse était une très belle femme. Longtemps il avait ressenti cette fierté de voir les hommes se retourner sur son passage, lorsqu’il l’avait à son bras. Assis en terrasse sur le parvis de la gare de Vannes, ils terminaient leur verre. Leur TGV entrerait bientôt en gare pour les déposer à Paris. Ils reprenaient le travail deux jours plus tard. Armelle était heureuse de rentrer. Ce séjour dans le golfe du Morbihan avait eu beau être charmant, elle n’avait pas pu décrocher de ses mails professionnels dont elle était inondée au quotidien. Une négligence de deux semaines l’aurait condamnée à la noyade dès son retour. De quoi la rendre nerveuse durant toutes les vacances. Et puis, Armelle avait engagé un processus important avant leur départ. Elle était impatiente d’en constater les effets.
— Le notaire, annonça Édouard en rangeant le téléphone dans sa poche. La maison de ma mère est vendue.
— En voilà une bonne nouvelle ! Nous allons enfin pouvoir refaire la cuisine.
— Elle est encore fonctionnelle, non ?
— On voit bien que tu n’y passes pas beaucoup de temps !
Alors qu’il avalait en silence cette dernière remarque, Édouard aperçut une vieille dame, petite et menue, qui sortait de la gare. D’une main, elle tirait avec difficulté une lourde valise sur laquelle était calé un gros vanity-case. De l’autre, elle tenait un sac à main en cuir rouge. La femme portait un élégant chemisier à fleurs sur une jupe plissée, et sa chevelure blanche relevée en un chignon parfait était surmontée d’un chapeau en feutre de couleur crème orné d’une fine dentelle. De minuscules lunettes rondes menaçaient de s’échapper du bout de son nez. Un personnage d’Agatha Christie, se dit Édouard, jusque dans les moindres détails, hormis des baskets aux pieds qui la reliaient à la modernité au même titre qu’un éclairage LED dans une grotte du paléolithique. Elle s’immobilisa, leva la main pour se protéger du soleil et poussa un bruyant soupir en scrutant au loin les autobus en correspondance.
— Vous voulez de l’aide ? proposa Édouard en se levant.
— Well ! Voilà qui est fort aimable, cher monsieur, répondit-elle avec un fort accent anglais. Cette valise doit peser autant livres que moi.
— Fais vite, s’agaça Armelle, le train ne va pas tarder.
— Au pire je te rejoins sur le quai, dit Édouard en enfilant son sac à dos. C’est juste à côté.
— Tu ne veux pas me laisser ton sac ?
Il ne répondit pas.
Armelle les regarda s’éloigner sur le parvis en direction de la gare routière, de l’autre côté de la route. Son mari avait pris un peu d’embonpoint ces dernières années. Il était grand, pour le moment cela se voyait peu. L’âge et l’effet d’un certain relâchement alimentaire œuvraient. Si l’ensemble restait tonique, le ventre commençait à prendre ses aises. Armelle lui faisait régulièrement la remarque, elle qui entretenait son corps à l’équerre comme une haie de thuyas. Il lui renvoyait toujours un « à quoi bon ? » blessant.
Après tout, c’est son problème, pensa-t-elle sans état d’âme.
Édouard portait le gros vanity-case d’une main et tirait la valise dont les roulettes martelaient le pavé tel un roulement de tambour sur le chemin du condamné vers l’échafaud. L’idée lui glaça le sang. Pourquoi cette image alors qu’il n’avait aucune raison de ressentir la situation comme telle? La vieille dame suivait en trottinant derrière lui, sans se laisser distancer. Ils disparurent derrière le premier bus de la rangée.
Armelle ferma son miroir d’un geste lent. Saisir un verre, ouvrir son agenda, écrire un message sur son téléphone, chaque mouvement de ses doigts fins toujours parés d’un vernis rouge était gracieux. Elle rassembla ses affaires, sortit son porte-monnaie pour régler les consommations. Le train serait bientôt en gare et Édouard ne revenait pas. Elle hésitait à l’appeler pour lui préciser l’horaire de départ. Il le connaissait. Elle se fit violence pour ranger son téléphone dans son sac et pesta contre l’irresponsabilité de son mari.
Debout, chargée de bagages, elle vit le troisième bus s’engager sur la route à destination de Rennes et passer à sa hauteur. Son regard s’attarda sur les occupants. Un indéfinissable mélange de colère et de panique s’empara d’elle quand elle aperçut son mari assis sur un siège à côté de la vieille dame au chapeau.
Édouard la regarda à peine avant de tourner la tête. Cette lâcheté légendaire qu’elle lui avait toujours prêtée, sans pour autant l’imaginer capable d’un tel acte.
L’autocar venait de disparaître au bout de la rue quand un haut-parleur annonça l’arrivée imminente du TGV pour Paris.